Festival Viva Cinéma à Lux le 15 février 2023
King Kong de Merian C.Cooper et Ernest B Schoedsack (1933)
Ce film en noir et blanc mélange le live et le stop motion pour animer le formidable monstre King Kong. Il a été réadapté au cinéma en 1976 par John Guillermain puis en 2005 par Peter Jackson.
Résumé :
Ce film d'aventure retrace l'expédition d'un réalisateur nommé Denham qui rêve de filmer l'indomptable King Kong. Pour ce faire, il embarque avec sa vedette Ann au sein d'un navire en direction d'une petite Île au large de la Malaisie appelée Skull Island, littéralement "l'île au crâne". King Kong, gorille géant, est la divinité des indigènes qui peuplent l'île. Ces derniers découvrent les explorateurs après qu'il les filmaient en plein rite à leur insu. Les indigènes en viennent à les menacer, les et kidnappent l'actrice pour en faire offrande à leur Dieu. Partis pour la sauver, le réalisateur et un membre de l'équipage tombé amoureux de la jeune femme, ils finissent par décider de capturer King kong pour le ramener avec eux à New York. Le réalisateur a pour projet d'en faire une attraction, le transformant en bête de foire, où victime des flashs des nombreux visiteurs. C'est sans compter sur la force de King Kong qui parvient à s'enfuir et à retrouver l'actrice. Il crée la terreur dans la ville et se retrouve traqué par l'armée qui le tue alors qu'il est au sommet de l'empire state building avec Ann. Il s'agit d'une scène culte du film et plus largement du cinéma.
Critique du film : Ce film montre de mon point de vue la bêtise humaine et son besoin de possession. Le réalisateur ne mesure pas à quoi il expose tant son équipage que par la suite la population New Yorkaise. Il a la volonté de démontrer que l'homme est le plus fort et peut dompter n'importe qui. Les indigènes sont montrés comme des sauvages. Il s'agit pour moi d'un film dont l'issue est dramatique comme en témoigne l'intention constante de King Kong jusqu'à sa mort tragique de protéger sa belle.
Ce film est par contre une prouesse d'un point de vue technique avec l'utilisation de la stop motion. La manière dont est filmé King Kong à différentes étapes du film contribue à mettre en lumière sa grandeur, sa puissance et sa force, jusqu'à la scène finale où il apparaît impuissant face aux avions de l'armée qui l'attaque sans relâche avant de flancher sous leurs tirs dans d'atroces souffrances.
La musique de Max Steiner apporte de la puissance et un rythme soutenu à ce film d'aventure et le spectateur, captivé, ne peut décrocher son attention de l'écran. Cette musique n'est pas sans rappeler celle du célèbre John Williams dans les films d'action tel Indiana Jones ou encore Star Wars. Le choix de faire un appel à un orchestre philarmonique rajoute de la tension.
Festival Viva Cinéma à Lux le 21 février 2023
Rétrospective des films de Douglas SIRK
Douglas SIRK est un réalisateur allemand né en 1897 et décédé en 1987. Marié à une femme juive, il s’expatrie aux Etats Unis durant la seconde guerre mondiale pour fuir le nazisme, .
La Habanera (1937)
Ce film en noir et blanc porte le nom de l'hymne de Porto Rico. Cet air sera repris à de multiples reprises dans le film.
Ce film est une comédie dramatique. Lors d'une croisière à destination de Porto Rico, Astrée jeune suédoise tombe amoureuse du pays et d'un riche propriétaire, Don Pedro. Elle l'épouse et s'y installe loin de sa famille et de ses amis d'enfance. Quelques années plus tard, leur relation n'est plus la même qu'auparavant du fait de nombreuses disputes. Elle a à cœur de faire découvrir à son fils sa culture et son pays. Cela donne lieu à de très belles scènes comme celle où elle lui chante une chanson pour lui raconter la neige. On perçoit à travers cet extrait toute sa mélancolie mais aussi son lien fort et beau avec son fils. Face aux relations tendues avec son mari, elle décide de prendre un billet pour elle et son fils pour repartir en Suède. Elle y renonce suite aux menaces de son mari qui veut l'écarter de son fils.
Un autre évènement marquant du film est l'arrivée d'un de ses amours d'enfance et d'un collègue mexicain de ce dernier à Porto Rico. Les deux hommes venus pour étudier la grippe locale se retrouvent confronter à la résistance du mari d'Astrée et d'autres riches propriétaires. Ceux-ci s'opposent à leurs recherches par de multiples ruses en volant leurs résultats par crainte des conséquences de la reconnaissance de la maladie pour l'économie et le tourisme du pays. Suite à ces évènements, Astrée qui croyait s'être rapprochée de son époux, est une nouvelle fois déçue redécouvrant sa véritable nature. L'ironie sera qu'il sera rattrapé par la maladie qu'il a tenté de dissimuler. Astrée repartira en suède avec son fils et ses amis.
L'ambiance musicale est très présente dans le film. Nous soulignerons que l'actrice principale est également une chanteuse suédoise.
Nous l'entendrons à plusieurs reprises reprenant soit l'hymne de Porto Rico à la demande de son mari ou chantant pour et avec son fils au piano.
Astrée n'a pour confident et proche que son fils avec lequel elle a un lien très fort. Les moments de complicités montrés entre eux sont touchants.
Ce film montre à quel point certaines personnes sont prêtes à mentir voire à détruire pour cacher une vérité pouvant faire peur au monde qui les entoure, ce qui me rappelle la réaction des avocats de la défense à la fin de la seconde guerre mondiale à propos des camps de concentration.
Astrée a idéalisé le pays et n’entend pas les craintes exprimées par sa tante. Elle le perçoit comme un paradis J’ai été marqué et touché par la répétition d’une même scène au début et à la fin de l’œuvre : Astrée aperçoit une danseuse de flamenco accompagnée d’hommes chantant et jouant des airs entrainants et joyeux ; ce qui l’aura poussée à rester dans ce pays sera aussi la dernière image qu’elle en gardera.
Paramatta, bagne de femmes (1937)
Film en noir et blanc
Ce film est une comédie dramatique qui raconte l'histoire d'une femme, Gloria, qui se retrouve condamnée à la place de son compagnon qu'elle a voulu protéger.
Célèbre chanteuse en Angleterre, elle sacrifie sa carrière pour sauver son amant, Albert Finsbury.
Elle se retrouve dans un bagne de femmes sur une île au large de l'Australie, Paramatta où elle doit effectuer une peine de plusieurs années de travaux forcés. Elle espère que son compagnon viendra la délivrer comme il s'était engagé à le faire.
L'ironie du sort est que ce dernier a été muté et a pris d'importantes fonctions dans l'armée sur l'île où elle sera incarcérée. Ce dernier peine à trouver une solution conduisant Gloria à devoir elle-même trouver le moyen de s'échapper.
Lors d'une visite au bagne, un riche exploitant agricole fait sa connaissance et se propose de l'épouser pour qu'elle puisse être sauvée, comme la loi locale l'autorise. En effet, il est possible pour les femmes d'être libérées avant la fin de leur peine en cas de demande en mariage et avec l'accord de la geôlière. Prête à tout pour regagner sa liberté et peut être retrouver son amant, elle s'enfuira avant la cérémonie.
Si le colonel Finsbury se sent toujours amoureux d'elle, sa présence à la fois si proche et si lointaine lui fait peur pour sa réputation et ses choix. Il craint en effet pour sa carrière au vue du poste qu'il occupe et hésite à se compromettre. Le film se conclut tant de manière tragique que de manière heureuse que de manière tragique. En effet, l'amant se suicide après que celle-ci, lui ait appris, déçue de l'avoir tant attendu, qu'elle ne ressentait plus de sentiments amoureux pour lui. Gloria finira par épouser l'exploitant parti la retrouver à l'annonce de la mort d'Albert pour qu'elle n'apprenne pas la triste nouvelle.
Une nouvelle fois, Douglas Sirk fait appel à son actrice et chanteuse fétiche Zarah Laender pour lui offrir le rôle de Gloria Vane. Dans les deux rôles, elle montre une qualité d'interprétation, avec différentes nuances de la tristesse : passant dans Paramatta, tant de la mélancolie à un désespoir profond. Le film montre une vision critique et satirique de plusieurs sujets tels celui du public qui assiste aux spectacles. En effet celui-ci jette des objets partout sur la scène quand Gloria chante des chansons d'un répertoire qui ne correspond pas à leurs attentes. Ces derniers attendent des chansons distrayantes et enjouées mais également provocantes ce qui amène Gloria à réfléchir sur ce qu'elle chantait autrefois en Angleterre. Il m'a semblé percevoir de la moquerie vis-à-vis des personnes infidèles et des caricatures de la bourgeoisie. Dans ce film, il est intéressant de souligner qu'aucun des deux personnages principaux n'est "blanc comme neige" et que tout le monde a les mains sales. En effet, Albert Finsbury n'a aucun scrupule à voler un de ces amis et hésite à de nombreuses reprises à tromper sa compagne puis à la délaisser. Gloria, quant à elle, laisse de faux espoirs à celui qui veut l'épouser pour gagner sa liberté. J'ai trouvé en comparaison l'exploitant d'une grande bonté et honnêteté. En effet, il est bien l'un des seuls hommes à demander à une prisonnière son accord et malgré son évasion, ne laissera pas tomber Gloria suite au suicide d'Albert.
Tout ce que le ciel permet (1955)
Ce film raconte l'histoire d'amour tragique entre Cary, veuve et mère de deux grands enfants et son jardinier . Cary jusqu'à sa rencontre avec ce dernier mène une vie triste et se sent très seule. Or, tout l'entourage désapprouve cette relation que ce soit son amie la plus proche qui tente de la décourager, ou son fils qui la menace de ne plus la voir si elle garde des liens intimes avec son jardinier. Ils reprochent à Ron son âge, mais aussi sa situation professionnelle En effet Cary est plus âgée, ce qui n'est pas admis par la société de l'époque et a un statut social qui ne lui permet pas de tomber amoureuse de ce que les autres voient comme un simple jardinier.
Ce film aborde le poids des rumeurs et de leur impact sur l'ensemble de la famille où chacun souffre de son côté de la situation. Celle-ci va jusqu'à frôler la destruction mais sera sauvée par le sacrifice de la mère qui accepte finalement à contre-coeur de cesser de voir son amant.
Je trouve que la romance de Cary et son jardinier a été particulièrement bien réalisée du fait que l'on constate petit à petit l'évolution de leur relation. Par un jeu d'acteurs fort, chaque regard arrive à faire passer une bouleversante bouffée d'amour.
Des remarques toutes plus cruelles les unes que les autres font monter la pression et renforce le sentiment tragique de cette histoire. Quand Cary se sent enfin prête à épouser Ron, ses enfants l'en dissuadent, remettant une fois de plus l'idée de ne plus jamais venir la voir sur la table. L'ironie du sort est que quand celle-ci finit par accepter, les deux s'éloignent malgré tout d'elle, la remettant face à sa solitude. L'annonce au Noel suivant de leur futur mariage ou mutation montre leur inconscience et non prise en compte de leur mère.
La fin est de mon point de vue audacieuse , Douglas Sirk laissant la possibilité au spectateur d'imaginer le destin de ce couple.
Si Cary est la première à être la victime des critiques, Douglas Sirk arrive à nous montrer malgré tout certaines de ses imperfections, la rendant plus humaine et d'autant plus belle. Par sa peur du regard des autres et par la crainte de perdre d'autres membres de sa famille, Elle peut faire souffrir Ron par ses nombreuses indécisions. La grande différence entre ses deux personnages qui les rend ainsi complémentaires et que chacun n'accorde pas du tout la même importance aux autres. Il est donc possible pour le spectateur de s'identifier à l'un des deux personnages : Ron a la force de ne pas être affecté par les dires des personnes qui les entoure, comme Mona, et a l'intelligence de s'en servir pour tenter de protéger la femme qu'il aime
Alors que certains trouvent plaisir à colporter des rumeurs par simple satisfaction personnelle, d'autres vont jusqu'à exprimer leur doute que la relation de Cary avec Ron ait daté d'avant la mort de son époux. Ces derniers sont d'autant plus cruels qu'ils remettent en question les valeurs de Cary ce qui va jusqu'à remettre en question chaque moment passé avec son défunt mari; ses enfants font malheureusement pour elles partie de ces personnes.
Douglas Sirk pose un nouvelle fois un regard critique sur les liens entre les hommes et les femmes. De nombreux hommes se montrent séducteurs avec Cary au début de l’œuvre mais au moment où ils découvrent sa relation amoureuse avec Ron, critiquent le fait que celle-ci ne soit pas restée assez longtemps en deuil, soulignant leur malhonnêteté et leur mauvaise foi.
Après une journée passée à regarder des films en noir et blanc, ce dernier film m’a semblé envoyer un véritable flash de modernité par ses couleurs.
Gaspard Flory (2nde06 option cinéma)
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